St Tube 93
@lex (Adresse IP journalisée) - dim. 24 février 2002 21:37:26
<HTML>St Tube 93
L'été 1993 commence bien : j'ai conquis mon diplôme d' ingénieur à la sueur de mon front ennuyé et j'ai un plan pour partir en coopération à l'étranger en septembre. Mieux encore, j'ai 2 bons mois devant moi et suffisamment d'argent gagné comme stagiaire pour les occuper de manière intéressante. Bien entendu je ne peux pas m'empêcher d'en claquer rapidement une bonne partie en me perdant dans l' exubérante scène perrosienne du début de l'été (Perros Guirec, Côtes d'Armor : 8000 âmes l'hiver, 60000 l'été, ses plages, ses bars et son crachin). J'établis mes quartiers dans les troquets et les boîtes de la côte qui regorgent de touristes hollandaises, parisiennes ou anglaises, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Je vis de 16h à 8h00, j'en profite beaucoup, puis un peu trop, et la saturation guette mon organisme et mon esprit. L'idée de ce trip vers le sud dont on parle depuis longtemps avec Alan me démange de plus en plus. Envie de prendre la route, de me vautrer au soleil après avoir surfé de vraies vagues, lassé de ces infâmes daubes estivales qui viennent finir leur courte vie, exténuées, sur les rivages embrumés du nord de la Bretagne. Direction le Portugal fin Juillet. Alan et moi mettons les planches sur le toit de sa vieille Polo, et avant de retrouver deux potes à Hossegor (qui viennent de Nîmes en 4L) pour tracer en convoi vers l' Espagne et le Portugal en suivant la côte, nous faisons un petit détour vers un moulin du Limousin à l'occasion d'un quadruple anniversaire. La fête et le trip qui s'en suivit mériteraient plusieurs pages à eux seuls, je me limiterai à vous signaler que ce voyage remplit toutes ses promesses de sorties, de galères et de vagues, avec en particulier pour Alan et moi le souvenir inoubliable d'une session magnifiquement inquiétante à 2 dans un Buarcos 3 mètres parfait. Non, ce dont je veux vous parler c'est de mon retour un peu précipité début septembre en Bretagne avec l'espoir déçu de débuter ma coopération qui, on me l'apprend, est retardée de plusieurs mois. Du coup j'ai du temps devant moi, mais presque plus d'argent. Un quatre septembre triste comme la pluie : mes 22 ans arrosés à la Jenlain avec Alan, Blaise et Franck devant un porno qui n'intéresse personne. Je déprime vaguement, d'autant que ma relation avec une charmante jeune fille de Crozon finit par m'endetter puis tourner en eau de boudin. Et le surf est zéro. Alan glande chez lui à Perros, il attend sa rentrée d'étudiant en Octobre à Paris, mais grâce à lui et plus particulièrement à sa mère, les choses vont prendre une toute autre tournure. Les parents d'Alan ont une maison de rêve au bout du Finistère, une petite maison de pêcheurs au confort rudimentaire, posée seule sur une dune face à l'océan. Les persiennes de ce genre de maison souffrent énormément de l'eau et du sel, et on se voit proposer par la mère d'Alan un contrat pour leur réfection. Le deal c'est décapage ponçage peinture et traitement des ferrures en échange du gîte et couvert pendant la durée des travaux. Rien que l'idée d'aller se changer les idées au grand air dans un tel cadre paraît stimulante, mais je dois maintenant vous préciser une chose somme toutes assez importante : cette maison est située face à un des meilleurs beach breaks de Bretagne. C'est sur ce spot qu'Alan a appris à surfer et c'est la raison pour laquelle il surclasse la scène surf perrosienne qui émerge à la fin des 80s. Les locaux surnomment l'endroit St Tube. Je dois également ajouter que c'est le mois de septembre, peut-être la meilleure époque pour le surf par ici grâce à l'arrivée régulière de houles de SW créées par les premiers cyclones qui traversent l'Atlantique nord. Et à cette saison la mer est à 18°C, une température tropicale aux standards bretons. J'accepte bien sûr le job sans aucune autre contrepartie (il s'avérera même qu'au final nous serons rétribués par la bénie mère d'Alan au regard de la qualité de notre boulot) et voilà que je vole au volant de ma 4L bleue ciel vers le bout du Pen ar Bed. Je connais l'endroit pour y avoir déjà passé du temps, scoré des sessions remarquables, et je m'y sens comme à chaque fois immédiatement à l'aise. Côté boulot, ce n'est pas de 3 malheureux volets dont il s'agit mais de grandes et lourdes persiennes couvrant toutes les ouvertures dont plusieurs portes-fenêtres. L'ampleur du boulot ne nous effraie ni Alan ni moi, on a du temps à revendre, d'autant plus que la mère d'Alan a choisi une couleur qui me ravit, de blanc défiguré nous les peindrons bleu gauloises, de l'exacte couleur des paquets de cigarettes - précisons que la mère d'Alan, peintre et fumeuse, a beaucoup de goût. Très rapidement on se met au boulot, il faut commencer par décaper puis poncer la trentaine de persiennes, dont certaines en si mauvais état qu'il faut l'aide du rabot du menuisier (et du menuisier lui-même) pour les retaper. Le temps est au beau fixe, anticyclonique, il fait chaud. On est torse poil dehors à poncer à la main ces morceaux de bois. La répétition des gestes, le crissement du papier de verre sur le bois me calment rapidement puis me bercent, je vais nager en fin de journée, je suis décontracté, je me sens léger. Le troisième jour alors que nous achevons le ponçage une belle houle longue arrive. Le soleil est toujours présent, le vent est off shore léger, 2 mètres tubulaires déroulent parfaitement face à nous sans personne à l'eau. Le seul problème c'est nous ne pouvons pas y aller. La mère d'Alan est là et nous surveille. Elle compte sur nous pour commencer la peinture dès le lendemain matin et veut s' assurer que nous sommes sur la bonne voie avant de bien vouloir nous laisser seuls. On peste on rage on essaye de penser à autre chose de fixer notre attention sur le bois, poncer rhhaaa poncer encore mais on n'en peut plus, on fume clope sur clope luisants sous le soleil et on ne peut s' empêcher de lâcher des râles de souffrance dès qu'un set déroule, vierge. En début de soirée la marée finit par être trop basse, ça ne marche plus aussi bien et nous sommes soulagés, enfin. Bien entendu le lendemain matin dès que la mère d'Alan met un pied dans sa voiture on se rue sur nos combards et on se précipite surfer le reste de houle encore présente. Il y a 1m20 d'une perfection qui nous coupe le souffle, nous sommes 2 à l'eau (on ne verra d'ailleurs qu'un seul autre type en près de 2 semaines, mais nous n'avons pas poussé le vice jusqu'à lui demander ce qu'il foutait là), et c'est parti pour se partager des épaules sans fin, du pic jusqu'au bord. Un coup à toi Alan, vas-y, elle est trop belle celle-là, un coup à moi. Il fait chaud, je prends de l'eau dans la 3/2 pour me rafraîchir et je me mets dès que possible quelques instants à l'abri sous l'ombre de la lèvre. Au total nous passons plus de 3 heures à surfer ou ramer non stop, ce qui nous vide mais nous rend quasi hystériques, gonflés d' énergie positive pour attaquer le laborieux travail de peinture. Nous nous installons dans l'atelier (avec vue directe et permanente sur les vagues) où le sound blaster qui sert d' autoradio à ma 4L crache Peter Tosh, Toots ou le Velvet à longueur de journée. La monotonie s'installe vite à peindre ces grands trucs de la même couleur, alors du coup on se met à picoler des quantités astronomiques de bières en cannettes alu qu'on s'amuse à empiler en attendant que les couches de peinture sèchent. Au bout de quelques litres, et déjà 2 allers-retours au Leclerc voisin pour faire le plein, on décide de se fixer un challenge à notre hauteur : atteindre le plafond avec les boîtes vides avant la nuit. Une troisième virée chez Leclerc plus tard nous atteignons notre limite physiologique, mais toujours pas le plafond et en fin de journée nous avons une légère tendance à faire n'importe quoi. De peur de ruiner nos efforts on préfère aller faire n 'importe quoi ailleurs et en profiter pour aller nager à poil dans le varech par exemple. On a du bleu gauloises partout, des ongles de pied jusqu'aux cheveux, ce qui a tendance à intriguer les rares gens que nous croisons, notamment la caissière de chez Leclerc. Dans les jours qui suivent plusieurs rituels s'installent et les sessions, la bière, les couches de peinture et les virées au bourg rythment nos journées. Parmi nos sorties préférées dans le village : aller acheter du tabac et des feuilles. Le bar tabac le plus proche rassemble l' intégralité des ivrognes dégénérés du coin, il fait immédiatement penser au bistrot de mercenaires de Star Wars tellement les visages et les dialogues y sont étranges. Du coup ça nous fait un trip à l'acide de 5mn tous les jours, on aime bien même si ça nous fait un peu peur quand même, notamment la patronne pour qui je redoute une attaque cérébrale à tout instant vue son inquiétante manière de s' exprimer, tout en raclements et en chuintements. Autre rituel, la cueillette du petit matin. Au mois de septembre on trouve sur les dunes de St Tube une quantité astronomique de champignons, de pleurotes plus précisément. C'est dans un demi sommeil pet-au-casqué que je déambule à l 'aube à la recherche de l'objet du délice, et je dois vous avouer que je suis absolument minable à l'exercice. Je reste stupéfait devant l'aisance et la célérité avec laquelle Alan remplit son sac plastique, c'est très certainement génétique me dis-je. N'étant pas d'un naturel très obstiné je décrète que dès le sac d'Alan plein, c'est à dire le mien aux trois-quarts vide, on rentre à la maison pour petit déjeuner. C'est là, à St Tube, que j'ai pris parmi les meilleurs petits déjeuners de ma vie assis sur la pelouse, face aux vagues, une omelette au pleurotes et un bol de café devant moi, à me demander si ça vaut le coup d'aller surfer maintenant ou s'il vaut mieux attendre que la marée monte encore un peu. Après une bonne semaine et plusieurs couches de peinture on commence à voir la fin et on décide de fêter ça, d'autant que nos corps n'ont plus leur dose d'adrénaline et d' endorphines à cause d'un début de manque de vagues. En fait de surf nous n'avons eu le droit qu'à la belle houle déclinante du début qui a duré 2 ou 3 jours puis ensuite quelques petites sessions de temps en temps. Il faut dire aussi que nous n'avons pas la force de prier Huey avec beaucoup de conviction. Par le passé Huey, que nous nommions Warlala à l'époque, nous avait pourtant déjà récompensé d' une session sublime sur ce même spot après 2 semaines de flat grâce au sacrifice d'une partie de nos foies et de notre raison. Donc je vous disais que c'est un soir de fête, on se fait beau en mettant un T shirt propre et en lavant à l'acétone nos corps tannés, et après un dîner grand luxe (pizza à emporter correcte et bouteille de Chianti à gerber) on se dirige vers le bar où il faut aller. On retrouve dans ce troquet quelques surfers locaux qu'Alan connaît et c'est parti pour se raconter des sessions toute la nuit. Aiguillonnés par les tournées de bière et les pauses récréatives en terrasse, c'est à celui qui racontera sa plus grosse vague, son plus beau tube, sa plus grosse bouffe, le reef le plus mortellement acéré, enfin je suppose que vous connaissez comme moi ce genre de discussion qui s'achève lorsqu'on ne comprend plus ce que le type en face de vous raconte et qu'on finit par hocher la tête mécaniquement sans plus rien écouter d'autre que le délire de sa petite voix intérieure avant de sombrer dans un coma bien mérité. Nous nous réveillons bien sûr la tête à l'envers, sans se souvenir du quand ni du comment nous sommes rentrés, et d'un commun (et muet) accord, nous décidons de ne rien faire aujourd'hui. Alan en profite pour écouter en boucle Ziggy Stardust qu'il découvre et notamment « Rock & Roll Suicide » qu'il repasse une bonne vingtaine de fois dans l'après midi en fumant doucement. Pendant ce temps là j'ai repéré un pic qui fonctionne sur la gauche de la plage et alors que la marée est haute je m'éclate sur le shore break qui envoie des belles petites gauches bien tendues. Je vais même chercher Alan pour le forcer à me rejoindre, il m'en remercie encore tellement cette session le ravigore. Le travail de finition se révèle assez rapide et nous vérifions une fois de plus que les bonnes choses ont toujours une fin (pour les mauvaises on en est bizarrement moins sûr) car le surlendemain on a beau chercher, mais il ne reste plus rien à poncer ou à peindre, tout est bleu, et beau. Nous sommes dans un état bizarre, pas encore orphelins de la magie de cet endroit mais déjà ailleurs, il nous est difficile de ne pas nous demander quand nous pourrons bien encore passer du temps ici, libres, aussi libres que les vagues qui nous ont accompagnées pendant ces 2 semaines. Le spleen l'emporte lorsque je ferme la barrière derrière moi et j'ai conscience que je viens de vivre quelque chose dont je me souviendrai longtemps, sinon toujours. Plus de 8 ans après, je téléphone à Alan pour d'une part lui faire relire ce que je viens de vous livrer et recueillir ses commentaires, mais aussi et surtout pour discuter de surf et de St Tube, comme à chaque fois qu'on se parle. Il m 'apprend que les volets sont à refaire complètement, de nouveau. @lex</HTML> St Tube 93
@lex (Adresse IP journalisée) - sam. 23 février 2002 19:24:39
<HTML>St Tube 93
L'été 1993 commence bien : j'ai conquis mon diplôme d' ingénieur à la sueur de mon front ennuyé et j'ai un plan pour partir en coopération à l'étranger en septembre. Mieux encore, j'ai 2 bons mois devant moi et suffisamment d'argent gagné comme stagiaire pour les occuper de manière intéressante. Bien entendu je ne peux pas m'empêcher d'en claquer rapidement une bonne partie en me perdant dans l' exubérante scène perrosienne du début de l'été (Perros Guirec, Côtes d'Armor : 8000 âmes l'hiver, 60000 l'été, ses plages, ses bars et son crachin). J'établis mes quartiers dans les troquets et les boîtes de la côte qui regorgent de touristes hollandaises, parisiennes ou anglaises, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Je vis de 16h à 8h00, j'en profite beaucoup, puis un peu trop, et la saturation guette mon organisme et mon esprit. L'idée de ce trip vers le sud dont on parle depuis longtemps avec Alan me démange de plus en plus. Envie de prendre la route, de me vautrer au soleil après avoir surfé de vraies vagues, lassé de ces infâmes daubes estivales qui viennent finir leur courte vie, exténuées, sur les rivages embrumés du nord de la Bretagne. Direction le Portugal fin Juillet. Alan et moi mettons les planches sur le toit de sa vieille Polo, et avant de retrouver deux potes à Hossegor (qui viennent de Nîmes en 4L) pour tracer en convoi vers l' Espagne et le Portugal en suivant la côte, nous faisons un petit détour vers un moulin du Limousin à l'occasion d'un quadruple anniversaire. La fête et le trip qui s'en suivit mériteraient plusieurs pages à eux seuls, je me limiterai à vous signaler que ce voyage remplit toutes ses promesses de sorties, de galères et de vagues, avec en particulier pour Alan et moi le souvenir inoubliable d'une session magnifiquement inquiétante à 2 dans un Buarcos 3 mètres parfait. Non, ce dont je veux vous parler c'est de mon retour un peu précipité début septembre en Bretagne avec l'espoir déçu de débuter ma coopération qui, on me l'apprend, est retardée de plusieurs mois. Du coup j'ai du temps devant moi, mais presque plus d'argent. Un quatre septembre triste comme la pluie : mes 22 ans arrosés à la Jenlain avec Alan, Blaise et Franck devant un porno qui n'intéresse personne. Je déprime vaguement, d'autant que ma relation avec une charmante jeune fille de Crozon finit par m'endetter puis tourner en eau de boudin. Et le surf est zéro. Alan glande chez lui à Perros, il attend sa rentrée d'étudiant en Octobre à Paris, mais grâce à lui et plus particulièrement à sa mère, les choses vont prendre une toute autre tournure. Les parents d'Alan ont une maison de rêve au bout du Finistère, une petite maison de pêcheurs au confort rudimentaire, posée seule sur une dune face à l'océan. Les persiennes de ce genre de maison souffrent énormément de l'eau et du sel, et on se voit proposer par la mère d'Alan un contrat pour leur réfection. Le deal c'est décapage ponçage peinture et traitement des ferrures en échange du gîte et couvert pendant la durée des travaux. Rien que l'idée d'aller se changer les idées au grand air dans un tel cadre paraît stimulante, mais je dois maintenant vous préciser une chose somme toutes assez importante : cette maison est située face à un des meilleurs beach breaks de Bretagne. C'est sur ce spot qu'Alan a appris à surfer et c'est la raison pour laquelle il surclasse la scène surf perrosienne qui émerge à la fin des 80s. Les locaux surnomment l'endroit St Tube. Je dois également ajouter que c'est le mois de septembre, peut-être la meilleure époque pour le surf par ici grâce à l'arrivée régulière de houles de SW créées par les premiers cyclones qui traversent l'Atlantique nord. Et à cette saison la mer est à 18°C, une température tropicale aux standards bretons. J'accepte bien sûr le job sans aucune autre contrepartie (il s'avérera même qu'au final nous serons rétribués par la bénie mère d'Alan au regard de la qualité de notre boulot) et voilà que je vole au volant de ma 4L bleue ciel vers le bout du Pen ar Bed. Je connais l'endroit pour y avoir déjà passé du temps, scoré des sessions remarquables, et je m'y sens comme à chaque fois immédiatement à l'aise. Côté boulot, ce n'est pas de 3 malheureux volets dont il s'agit mais de grandes et lourdes persiennes couvrant toutes les ouvertures dont plusieurs portes-fenêtres. L'ampleur du boulot ne nous effraie ni Alan ni moi, on a du temps à revendre, d'autant plus que la mère d'Alan a choisi une couleur qui me ravit, de blanc défiguré nous les peindrons bleu gauloises, de l'exacte couleur des paquets de cigarettes - précisons que la mère d'Alan, peintre et fumeuse, a beaucoup de goût. Très rapidement on se met au boulot, il faut commencer par décaper puis poncer la trentaine de persiennes, dont certaines en si mauvais état qu'il faut l'aide du rabot du menuisier (et du menuisier lui-même) pour les retaper. Le temps est au beau fixe, anticyclonique, il fait chaud. On est torse poil dehors à poncer à la main ces morceaux de bois. La répétition des gestes, le crissement du papier de verre sur le bois me calment rapidement puis me bercent, je vais nager en fin de journée, je suis décontracté, je me sens léger. Le troisième jour alors que nous achevons le ponçage une belle houle longue arrive. Le soleil est toujours présent, le vent est off shore léger, 2 mètres tubulaires déroulent parfaitement face à nous sans personne à l'eau. Le seul problème c'est nous ne pouvons pas y aller. La mère d'Alan est là et nous surveille. Elle compte sur nous pour commencer la peinture dès le lendemain matin et veut s' assurer que nous sommes sur la bonne voie avant de bien vouloir nous laisser seuls. On peste on rage on essaye de penser à autre chose de fixer notre attention sur le bois, poncer rhhaaa poncer encore mais on n'en peut plus, on fume clope sur clope luisants sous le soleil et on ne peut s' empêcher de lâcher des râles de souffrance dès qu'un set déroule, vierge. En début de soirée la marée finit par être trop basse, ça ne marche plus aussi bien et nous sommes soulagés, enfin. Bien entendu le lendemain matin dès que la mère d'Alan met un pied dans sa voiture on se rue sur nos combards et on se précipite surfer le reste de houle encore présente. Il y a 1m20 d'une perfection qui nous coupe le souffle, nous sommes 2 à l'eau (on ne verra d'ailleurs qu'un seul autre type en près de 2 semaines, mais nous n'avons pas poussé le vice jusqu'à lui demander ce qu'il foutait là), et c'est parti pour se partager des épaules sans fin, du pic jusqu'au bord. Un coup à toi Alan, vas-y, elle est trop belle celle-là, un coup à moi. Il fait chaud, je prends de l'eau dans la 3/2 pour me rafraîchir et je me mets dès que possible quelques instants à l'abri sous l'ombre de la lèvre. Au total nous passons plus de 3 heures à surfer ou ramer non stop, ce qui nous vide mais nous rend quasi hystériques, gonflés d' énergie positive pour attaquer le laborieux travail de peinture. Nous nous installons dans l'atelier (avec vue directe et permanente sur les vagues) où le sound blaster qui sert d' autoradio à ma 4L crache Peter Tosh, Toots ou le Velvet à longueur de journée. La monotonie s'installe vite à peindre ces grands trucs de la même couleur, alors du coup on se met à picoler des quantités astronomiques de bières en cannettes alu qu'on s'amuse à empiler en attendant que les couches de peinture sèchent. Au bout de quelques litres, et déjà 2 allers-retours au Leclerc voisin pour faire le plein, on décide de se fixer un challenge à notre hauteur : atteindre le plafond avec les boîtes vides avant la nuit. Une troisième virée chez Leclerc plus tard nous atteignons notre limite physiologique, mais toujours pas le plafond et en fin de journée nous avons une légère tendance à faire n'importe quoi. De peur de ruiner nos efforts on préfère aller faire n 'importe quoi ailleurs et en profiter pour aller nager à poil dans le varech par exemple. On a du bleu gauloises partout, des ongles de pied jusqu'aux cheveux, ce qui a tendance à intriguer les rares gens que nous croisons, notamment la caissière de chez Leclerc. Dans les jours qui suivent plusieurs rituels s'installent et les sessions, la bière, les couches de peinture et les virées au bourg rythment nos journées. Parmi nos sorties préférées dans le village : aller acheter du tabac et des feuilles. Le bar tabac le plus proche rassemble l' intégralité des ivrognes dégénérés du coin, il fait immédiatement penser au bistrot de mercenaires de Star Wars tellement les visages et les dialogues y sont étranges. Du coup ça nous fait un trip à l'acide de 5mn tous les jours, on aime bien même si ça nous fait un peu peur quand même, notamment la patronne pour qui je redoute une attaque cérébrale à tout instant vue son inquiétante manière de s' exprimer, tout en raclements et en chuintements. Autre rituel, la cueillette du petit matin. Au mois de septembre on trouve sur les dunes de St Tube une quantité astronomique de champignons, de pleurotes plus précisément. C'est dans un demi sommeil pet-au-casqué que je déambule à l 'aube à la recherche de l'objet du délice, et je dois vous avouer que je suis absolument minable à l'exercice. Je reste stupéfait devant l'aisance et la célérité avec laquelle Alan remplit son sac plastique, c'est très certainement génétique me dis-je. N'étant pas d'un naturel très obstiné je décrète que dès le sac d'Alan plein, c'est à dire le mien aux trois-quarts vide, on rentre à la maison pour petit déjeuner. C'est là, à St Tube, que j'ai pris parmi les meilleurs petits déjeuners de ma vie assis sur la pelouse, face aux vagues, une omelette au pleurotes et un bol de café devant moi, à me demander si ça vaut le coup d'aller surfer maintenant ou s'il vaut mieux attendre que la marée monte encore un peu. Après une bonne semaine et plusieurs couches de peinture on commence à voir la fin et on décide de fêter ça, d'autant que nos corps n'ont plus leur dose d'adrénaline et d' endorphines à cause d'un début de manque de vagues. En fait de surf nous n'avons eu le droit qu'à la belle houle déclinante du début qui a duré 2 ou 3 jours puis ensuite quelques petites sessions de temps en temps. Il faut dire aussi que nous n'avons pas la force de prier Huey avec beaucoup de conviction. Par le passé Huey, que nous nommions Warlala à l'époque, nous avait pourtant déjà récompensé d' une session sublime sur ce même spot après 2 semaines de flat grâce au sacrifice d'une partie de nos foies et de notre raison. Donc je vous disais que c'est un soir de fête, on se fait beau en mettant un T shirt propre et en lavant à l'acétone nos corps tannés, et après un dîner grand luxe (pizza à emporter correcte et bouteille de Chianti à gerber) on se dirige vers le bar où il faut aller. On retrouve dans ce troquet quelques surfers locaux qu'Alan connaît et c'est parti pour se raconter des sessions toute la nuit. Aiguillonnés par les tournées de bière et les pauses récréatives en terrasse, c'est à celui qui racontera sa plus grosse vague, son plus beau tube, sa plus grosse bouffe, le reef le plus mortellement acéré, enfin je suppose que vous connaissez comme moi ce genre de discussion qui s'achève lorsqu'on ne comprend plus ce que le type en face de vous raconte et qu'on finit par hocher la tête mécaniquement sans plus rien écouter d'autre que le délire de sa petite voix intérieure avant de sombrer dans un coma bien mérité. Nous nous réveillons bien sûr la tête à l'envers, sans se souvenir du quand ni du comment nous sommes rentrés, et d'un commun (et muet) accord, nous décidons de ne rien faire aujourd'hui. Alan en profite pour écouter en boucle Ziggy Stardust qu'il découvre et notamment « Rock & Roll Suicide » qu'il repasse une bonne vingtaine de fois dans l'après midi en fumant doucement. Pendant ce temps là j'ai repéré un pic qui fonctionne sur la gauche de la plage et alors que la marée est haute je m'éclate sur le shore break qui envoie des belles petites gauches bien tendues. Je vais même chercher Alan pour le forcer à me rejoindre, il m'en remercie encore tellement cette session le ravigore. Le travail de finition se révèle assez rapide et nous vérifions une fois de plus que les bonnes choses ont toujours une fin (pour les mauvaises on en est bizarrement moins sûr) car le surlendemain on a beau chercher, mais il ne reste plus rien à poncer ou à peindre, tout est bleu, et beau. Nous sommes dans un état bizarre, pas encore orphelins de la magie de cet endroit mais déjà ailleurs, il nous est difficile de ne pas nous demander quand nous pourrons bien encore passer du temps ici, libres, aussi libres que les vagues qui nous ont accompagnées pendant ces 2 semaines. Le spleen l'emporte lorsque je ferme la barrière derrière moi et j'ai conscience que je viens de vivre quelque chose dont je me souviendrai longtemps, sinon toujours. Plus de 8 ans après, je téléphone à Alan pour d'une part lui faire relire ce que je viens de vous livrer et recueillir ses commentaires, mais aussi et surtout pour discuter de surf et de St Tube, comme à chaque fois qu'on se parle. Il m 'apprend que les volets sont à refaire complètement, de nouveau. @lex --------------------------------------------------------------------- Desinscription: envoyez un message a: bzhsurflog-unsubscribe@bzhecume.com Pour obtenir de l'aide, ecrivez a: bzhsurflog-help@bzhecume.com ------------------------------------------ Posté via PhorumMail</HTML> RE: St Tube 93
Presles (Adresse IP journalisée) - lun. 25 février 2002 13:54:33
<HTML>[PRESLES Arnaud] Bravo alex pour ce report nostalgique
[PRESLES Arnaud] et qui va repeindre les volets cette annee ? Arnaud --------------------------------------------------------------------- Desinscription: envoyez un message a: bzhsurflog-unsubscribe@bzhecume.com Pour obtenir de l'aide, ecrivez a: bzhsurflog-help@bzhecume.com ------------------------------------------ Posté via PhorumMail</HTML> Re: St Tube 93
@lex (Adresse IP journalisée) - lun. 25 février 2002 14:06:07
<HTML>> [PRESLES Arnaud] et qui va repeindre les volets cette
annee ? Hmm, bonne question... Je vais tâcher d'aller consulter la liste d'attente... @lex --------------------------------------------------------------------- Desinscription: envoyez un message a: bzhsurflog-unsubscribe@bzhecume.com Pour obtenir de l'aide, ecrivez a: bzhsurflog-help@bzhecume.com ------------------------------------------ Posté via PhorumMail</HTML> Cette discussion a été fermée
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